De la Bouffe, pas des Bombes
Comment nourrir les affamés et bâtir une communauté
Par C.T. Lawrence Butler et Keith McHenry
Illustrations de Keith McHenry
Traduction et adaptation: Pierre-E. Paradis assisté de plusieurs membres du collectif de Québec, 1997.
À l'origine, ce livre a été publié en 1992 sous le titre Food Not Bombs: How to Feed the Hungry and Build Community. Éditeur: New Society Publishers, 4527 Springfield Ave., Philadelphia, PA 19143
En Allemagne,
Ils vinrent d'abord chercher les communistes, et j'ai gardé le silence
car je n'étais pas communiste.
Ils vinrent ensuite chercher les Juifs, et j'ai gardé le silence
car je n'étais pas Juif.
Puis ils vinrent chercher les syndicalistes, et j'ai gardé le silence
car je n'étais pas syndicaliste.
Alors ils vinrent chercher les catholiques, et j'ai gardé le silence
car je suis protestant.
Finalement ils vinrent me chercher mais à ce moment,
il ne restait plus personne pour dénoncer leur geste.
Pasteur Martin Niemöller (1892-1984)
Nous sommes fiers de vous présenter la version française de Food Not Bombs... et de contribuer à l'expansion du mouvement FNB dans les pays francophones. D'la Bouffe, pas des Bombes a pris son essor à Québec à l'automne 1995 suite à une visite et une conférence de Keith McHenry. Par la suite, d'autres groupes de langue française ont essaimé à Montréal et Sherbrooke.
Avant d'entamer ce livre, il serait bon de noter que la version américaine,
publiée en 1992, rend compte d'événements ayant eu lieu
au cours des années 80. En apparence, le monde a bien changé depuis:
le Mur de Berlin est tombé, la menace soviétique est chose du
passé et nous sommes bien loin de l'Evil Empire tant décrié
par Ronald Reagan. La peur de la guerre nucléaire a considérablement
diminué mais pourtant l'insécurité n'a jamais semblé
aussi grande.
C'est que la Guerre froide ne servait que de paravent pour cacher se qui se
tramait réellement: la destruction planifiée de toutes les nations,
de toutes les cultures voire de toutes les familles du monde pour les soumettre
à la logique unique de la valeur marchande. Le néolibéralisme,
que le sous-commandant Marcos n'hésite pas à qualifier de "Quatrième
Guerre mondiale", était pourtant déjà bien en marche
à cette époque. Les Golden Boys dépeints dans le
film Wall Street, s'enrichissant en jetant des milliers de travailleurs
à la rue, commençaient déjà à faire des ravages.
Le résultat, aux États-Unis du moins, consiste aujourd'hui en
un nombre effarant de SDF ainsi qu'un taux d'incarcération record (une
personne sur 167, le plus élevé de tous les pays industrialisés)
dans des prisons privatisées à but lucratif! Au Canada, cité
comme "Le meilleur pays au monde" par un gouvernement fédéral
avide de propagande, la situation se déteriore aussi. Un référendum
sur la souveraineté du Québec, perdu de justesse en 1995, a canalisé
les rêves de changement social des Québécois dans une bataille
politique stérile où peu d'idées constructives ont finalement
été exprimées. Alors si la pauvreté est encore peu
visible ici, contrairement aux États-Unis, elle se vit tout de même.
Des coupures budgétaires draconiennes dans le secteur public (santé,
éducation) et des mises à pied massives dans le secteur privé
font en sorte qu'au bas de l'échelle sociale, des gens doivent marcher
dehors par vingt degrés sous zéro parce que le transport en commun
est devenu inabordable. Des enfants vont à l'école le ventre vide,
faisant mentir les statistiques, pendant que les grandes banques font chacune
un profit annuel dépassant le milliard de dollars.
D'ailleurs, la tension sociale monte quelque peu, et des émeutes surviennent
maintenant chaque année dans une ville de Québec réputée
calme. Sans aucune planification, ne véhiculant aucune revendication,
pur exutoire des frustrations de la jeunesse, ces échaufourrées
ont transformé peu à peu notre ville en forteresse policière.
En 1996, des membres de De la Bouffe, pas des Bombes ont même été
désignés comme boucs-émissaires par un système judiciaire
expéditif. Ils ont goûté à la prison un mois durant
pour avoir été des "philosophes de l'anarchie", malgré
qu'ils n'aient en aucun cas fomenté ou participé à l'émeute
de cette année-là.
Si ce panorama québécois ressemble à ce qui se vit chez
vous, c'est qu'il est temps de bouger en tenant compte du dicton: "penser
globalement, agir localement". Nous vous souhaitons donc une bonne lecture,
bon courage et bonne chance!
Ceci est un livre extraordinaire, écrit par une communauté de gens extraordinaires. Leur présence m'a été révélée très graduellement, sur une longue période de temps. J'ai commencé à remarquer leurs tables, leurs affiches et leurs chaudrons remplis de soupe chaude et de légumes nutritifs lors de réunions, de manifestations, ou tout simplement dans les rues de la ville. Puis un soir, j'ai été invité à un rassemblement de poètes, musiciens et artistes de toutes sortes animés de la même conscience sociale; il y avait un comptoir le long de la salle avec encore une fois cette bannière: Food Not Bombs.
Cette fois j'y ai porté plus d'attention que d'habitude, car je reconnaissais
l'homme derrière le comptoir, Eric Weinberger. J'avais rencontré
Eric il y a vingt-cinq ans, sur la route entre Selma et Montgomery, Alabama,
lors de la grande marche pour les droits civiques de 1965; puis de nouveau en
1977 lors d'une autre marche de manifestants anti-nucléaires cette fois,
sur le site de la centrale de Seabrook. Une douzaine d'années avaient
passé depuis, et voilà qu'il était avec Food Not Bombs.
Je me suis dit que ces gens de FNB sont de ceux qui continuent la longue marche
du Peuple américain, avançant lentement mais sûrement vers
une société vivable.
Le message de Food Not Bombs est simple et puissant: personne ne devrait manquer
de nourriture dans un monde si bien pourvu en terres, en soleil et en ingéniosité
humaine. Aucune considération d'ordre financier, aucune volonté
de profit ne devraient empêcher un enfant mal nourri ou un adulte appauvri
de manger. Voilà des gens qui ne se laisseront pas berner par les "lois
du marché" selon lesquelles seuls les gens qui peuvent acheter quelque
chose peuvent l'avoir.
Même avant l'effondrement récent de l'U.R.S.S., c'était
une politique absurde et immorale que de dépenser des centaines de milliards
de dollars chaque année pour soutenir un arsenal nucléaire qui,
s'il était utilisé, créerait le plus grand génocide
de l'Histoire et sinon, constituerait de toutes façons un vol inqualifiable
au dépens du Peuple américain. De nos jours, la "menace soviétique"
étant chose du passé, le fait de dépenser un billion de
dollars en armement pour les quelques prochaines années, dans le but
d'entretenir un arsenal d'armes nucléaires ainsi qu'un réseau
mondial de bases militaires est encore plus absurde. Le slogan "De la Bouffe,
pas des Bombes" est encore plus reconnaissable aujourd'hui comme étant
le bon sens même.
Ce slogan ne requiert aucune analyse complexe. Ces six mots disent tout. Ils
résument directement ce double défi : nourrir immédiatement
les gens qui sont sans nourriture adéquate, et remplacer un système
dont les priorités sont le profit et le pouvoir par un autre système
qui répond aux besoins de tous les êtres humains.
Il est rare de trouver un livre qui combine une vision à long terme avec
des conseils pratiques. Mais voici un petit bijou de ce genre de conseils. Ce
livre vous explique en détail comment former un groupe FNB, comment recueillir
la nourriture, comment la préparer (oui, il y a des super recettes!)
et comment la distribuer.
Chaque étape dans ce processus contient en filigrane le même avertissement
: ne laissez pas des "chefs" ou des élites auto-proclamées
prendre les décisions importantes. Les décisions doivent être
prises démocratiquement, avec la plus grande participation possible,
dans le but d'en arriver à un consensus. Cette
idée est cruciale: si nous voulons une société meilleure,
nous ne devons pas gueuler mais plutôt montrer comment la vie devrait
être vécue. Oui, vraiment, ce livre est spirituellement nutritif!
Pourquoi De la Bouffe, pas des Bombes?
De
la Bouffe...
Le Monde produit assez de nourriture pour subvenir aux besoins de tous, à
condition de la distribuer équitablement. Il y a en fait de la nourriture
en abondance. Dans ce pays, chaque jour et dans chaque ville, beaucoup plus
de nourriture est jetée que ce qu'il en faudrait pour satisfaire l'appétit
de ceux qui n'ont rien à manger.
Réfléchissez bien à ceci : avant que la nourriture n'atteigne
votre table, elle est produite et manipulée par des fermiers, des coopératives,
des manufacturiers, des distributeurs, des grossistes puis des détaillants.
De la bouffe tout à fait comestible est jetée pour diverses raisons
"économiques", à chacune de ces étapes. Dans
une ville moyenne des États-Unis, environ 10% de tous les déchets
solides est en fait de la nourriture. Ce qui donne l'incroyable total de 46
milliards de livres (20,9 millions de tonnes) à la grandeur du pays chaque
année, soit un peu moins de 200 livres (90,8 kg) par personne par année.
Des estimations indiquent que seulement 4 milliards de livres de nourriture
par année seraient suffisantes pour éliminer complètement
la faim aux États-Unis. Et il est clair que la nourriture saine pouvant
être récupérée existe en abondance dans les poubelles
nationales.
Pour récupérer cette nourriture comestible et s'en servir pour
nourrir les gens, trois éléments-clés doivent être
réunis. Premièrement, la nourriture doit être recueillie.
Deuxièmement, elle doit être préparée d'une manière
convenable à la consommation. Troisièmement, elle doit être
facilement accessible à ceux qui ont faim.
La raison pour laquelle ce n'est pas cela qui se produit dans la société
n'est pas le fruit du hasard. Nous ne pouvons nous exprimer démocratiquement
sur la manière dont les aliments sont produits et distribués.
Les gens voteraient sûrement pour qui leur permettrait de manger, mais
dans l'économie hiérarchique qui est la nôtre, la menace
constante de perte d'emploi permet aux employeurs de garder les salaires au
plus bas. Une classe inférieure apparaît comme résultat
de ces politiques encourageant la domination et la violence. Dans notre société,
il est considéré acceptable de profiter de la souffrance et de
la misère des autres.
Aujourd'hui, selon la Harvard School of Public Health, les gens vivant
sous le seuil de la pauvreté (revenu annuel de moins de 9 069$ US pour
une famille de trois) souffrent de la faim au minimum une fois par mois, et
plus de 30 millions de personnes en souffrent régulièrement. Or
croyez-le ou non, moins de 15% des pauvres sont sans domicile fixe. De plus,
l'explosion de la faim a surpassé la capacité des programmes actuels
de lutte à la malnutrition. Qu'ils soient publics ou privés, les
organismes de charité ne fournissent plus. Peu de gens réalisent
à quel point le profil démographique des affamés a changé.
Dans la dernière décennie, ils sont devenus:
Évidemment, la majorité des gens qui souffrent de la faim ne correspondent pas aux stéréotypes que vous font gober les média. Les mal nourris sont des enfants et des chefs de famille monoparentale (en majorité des femmes), des travailleurs au bas de l'échelle sociale, des chômeurs, des personnes âgées, des malades chroniques et ceux dont le revenu est fixé par le gouvernement (comme les vétérans et les personnes aux prises avec des déficiences physiques ou mentales). Tous ces gens se voient pris dans les griffes de la pauvreté même s'ils essaient d'améliorer leur sort.
En plus de la collecte et la distribution de nourriture, Food Not Bombs encourage
le végétarisme pour solutionner ce problème. Si plus de
gens étaient végétariens et réclamaient des aliments
cultivés biologiquement et produits localement, cela aiderait à
promouvoir des pratiques agricoles écologiques et rendrait viables de
plus petites fermes. Ce virage rendrait plus facile la décentralisation
des moyens de production et la création d'un contrôle démocratique
sur la qualité des produits agricoles et l'occupation des terres. Plus
de gens peuvent être nourris par un hectare de terre avec un régime
végétarien qu'avec un régime carnivore. Les habitudes alimentaires
de notre société, basées sur la consommation de viande,
encouragent l'"agrobusiness" et accroissent la dépendance des
producteurs envers les fertilisants et pesticides chimiques, ce qui détruit
l'environnement et diminue au bout du compte la valeur nutritive des aliments
ainsi produits. Toutes les viandes produites industriellement dans ce pays sont
pleines d'additifs chimiques, de médicaments, d'hormones de croissance,
d'agents de conservation; et puis le lait contient presque toujours des traces
d'isotopes radioactifs. C'est pourquoi le végétarisme, qui consomme
moins de ressources, est meilleur pour l'environnement et notre santé.
Bien que nous encouragions le végétarisme pour des raisons politiques
et économiques, cette philosophie apporte aussi plusieurs bénéfices
immédiats. Les problèmes potentiels dûs aux aliments avariés
sont grandement réduits lorsqu'on se contente de manipuler des légumes,
et les membres du groupe tendent à adopter un régime plus équilibré
à mesure qu'ils se familiarisent avec le végétarisme. De
plus, enseigner aux gens l'impact bénéfique qu'aura le végétarisme
sur leur santé crée une attitude positive et pleine de compassion
envers nous-mêmes, les autres et la planète toute entière.
Par conséquent, toute la nourriture que nous préparons provient
strictement de sources végétales; il n'y a ni viande, ni produits
laitiers, ni oeufs. Les gens connaissent ce principe et font confiance à
notre bouffe, chaque fois qu'ils viennent à notre table.
...pas
des Bombes
Ça prendra beaucoup d'imagination et de travail pour inventer un monde
sans bombes. Food Not Bombs considère comme partie intégrante
de sa mission le fait de fournir des vivres aux personnes impliquées
dans des manifestations, afin qu'elles puissent continuer leur lutte à
long terme contre le militarisme. Une autre partie de notre mission consiste
à diffuser notre message auprès d'autres mouvements progressistes.
Nous assistons aux événements organisés par d'autres organisations
et appuyons la création de coalitions chaque fois que cela est possible.
Nous luttons contre l'idée de rareté, qui amène beaucoup
de gens à se méfier de la coopération entre groupes. Plusieurs
croient qu'ils doivent rester séparés pour préserver leurs
ressources, alors nous essayons de les encourager à penser en termes
d'abondance et de leur faire reconnaître que l'union fait la force.
Être dans le feu de l'action avec notre nourriture fait partie de notre
vision des choses. Parfois nous organisons des rassemblements; parfois nous
servons les repas lors d'événements organisés par d'autres
groupes. Fournir la nourriture pour plus d'une journée est plus qu'une
bonne idée. C'est une nécessité. Le groupe ami a en fait
deux options : il peut se rabattre sur les services alimentaires d'une entreprise
privée plus ou moins progressiste, ou alors s'en remettre à nous.
Notre position est que fournir la nourriture nous mêmes, tout en appuyant
les revendications du groupe, est une manière beaucoup plus constructive
de travailler. Nous avons fourni de la nourriture lors d'actions directes s'étendant
sur de longues périodes, telles que le Camp annuel pour la paix organisé
par The American Peace Test, sur le site d'essais nucléaires du Nevada;
ainsi que dans les "bidonvilles" érigés dans les centre-villes
de Boston, San Francisco, New York, Washington pour mettre en relief le problème
du logement et de la faim. Sans oublier les distributions quotidiennes de nourriture
aux sans-abri dans des lieux éminemment visibles un peu partout au pays.
Comment
est apparu le nom De la Bouffe, pas des Bombes (Food Not Bombs)
Durant l'année 1980, un groupe d'amis qui étaient impliqués
dans les manifs contre le projet de centrale nucléaire de Seabrook cherchaient
un moyen de lier la question de l'énergie nucléaire avec celle
du militarisme. Une de nos nombreuses activités consistait à "tagger"
des slogans anti-nucléaires et anti-guerre sur les murs de certains édifices
publics et sur les trottoirs en utilisant des pochoirs. Ce que nous préférions
était de peindre les mots "MONEY FOR FOOD, NOT FOR BOMBS"
(De l'argent pour la bouffe, pas pour les bombes) à la sortie des épiceries
de notre quartier. Une nuit, après une tournée de graffiti, nous
avons eu l'inspiration d'utiliser le slogan abrégé Food Not Bombs
pour désigner notre groupe. Ainsi, notre message serait clair et en répétant
sans arrêt ce slogan, même les média finiraient par transmettre
notre message au public. Nous n'aurions pas besoin de nous expliquer pendant
des heures, car notre nom résumerait tout. En arrivant à quelque
part avec notre nourriture, les gens diraient désormais: "Voilà
D'la Bouffe, pas des Bombes".
Comment
mettre sur pied un groupe FNB
Prendre nos responsabilités personnelles et faire quelque chose pour
solutionner les problèmes de notre société peut être
à la fois gratifiant et insécurisant. Voter pour le meilleur candidat
ou donner de l'argent à votre organisme de charité préféré
sont des activités fort valables, mais beaucoup de gens ressentent le
besoin d'en faire plus. Il est difficile de découvrir quoi faire et par
où commencer, surtout avec des problèmes aussi importants que
l'itinérance, la faim et le militarisme. Ce livre de poche vous aidera
donc à trouver votre voie vers l'implication personnelle et l'action
directe, dans le but de vous attaquer à ces problèmes.
L'expérience FNB est par dessus tout une occasion de vous réaliser,
de prendre le contrôle de vos vies. En plus du message politique évident
que nous essayons de transmettre, les deux composantes majeures du travail quotidien
de Food Not Bombs sont la cueillette et la redistribution des surplus de nourriture,
et l'aide aux affamés. L'organisation politique est beaucoup plus gratifiante
si elle entraîne à la fois un éveil politique et un service
direct, plus terre-à-terre.
À chaque étape, vous ferez face à de nombreux choix; certains
seront décrits dans ce livre, mais d'autres seront propres à votre
situation. Vous devrez prendre les décisions les meilleures pour votre
organisation locale. Nous pouvons vous dire, expérience à l'appui,
que ce sera du travail à la fois très dur et très amusant.
C'est pourquoi nous essaierons de partager avec vous les choses que nous avons
apprises, et qui pourront vous éviter les problèmes auxquels nous
avons déjà dû faire face. Ce livre constituera le point
de départ de votre propre aventure; il est basé sur plus de dix
ans d'expérience mais cela n'apportera pas de réponse à
tout. Chaque jour apporte de nouveaux défis et de nouvelles occasions
d'apprendre. L'expérience FNB est une aventure vivante et dynamique qui
s'étend avec chaque personne qui y participe. Alors que de plus en plus
de groupes FNB se forment dans d'autres villes, nous découvrons que chacun
d'entre eux apporte de nouvelles idées, de nouvelles visions et de nouvelles
façons de développer son identité. Ce livre vous donnera
donc les informations de base nécessaires aux premiers pas de votre groupe.
Les sept étapes pour mettre sur pied un collectif Food Not Bombs local
Au départ, mettre sur pied un collectif peut sembler une tâche
dont l'ampleur vous dépasse. Travaillez donc sur les bases, et allez-y
une étape à la fois. Il n'y a aucune raison de se sentir obligé
de tout réaliser en même temps. Il se peut que ça prenne
quelques semaines avant que tout marche bien, il se peut aussi que ça
prenne des mois. Une personne ne peut constituer un groupe FNB à elle
seule, mais elle peut être l'initiatrice, celle par qui tout commence.
Une fois que vous avez pris la décision de mettre sur pied un collectif
FNB dans votre localité, choisissez un lieu, une date et une heure de
rencontre et réunissez tous ceux qui seraient intéressés
à discuter de votre projet. Vous pouvez commencer avec un groupe d'amis,
les membres d'un groupe déjà existant, ou des gens attirés
par des affiches annonçant vos intentions.
Ce qui suit est un procédé étape par étape pour
mettre sur pied et gérer votre projet. Vous aurez peut-être à
ajouter, ignorer ou ordonner différemment certaines étapes selon
votre situation personnelle. Suivez la voie qui semble la meilleure pour votre
groupe.
1. Commencez par vous trouver un numéro de téléphone et une adresse postale. En utilisant une boîte vocale ou un répondeur téléphonique, vous pourrez avoir un message continu qui donne de l'information au sujet de la prochaine réunion (date, heure, lieu) et recevoir des messages. Ainsi, vous ne manquerez aucun appel. De plus, utilisez un casier postal comercial comme adresse permanente.
2. Photocopiez des flyers (affichettes) annonçant l'existence
de votre groupe. En les distribuant lors d'événements, en
les affichant à travers la ville ou en les postant à vos amis,
vous attirerez d'autres volontaires. Il est important d'avoir des réunions
hebdomadaires régulières, et de toujours savoir quand aura lieu
la prochaine.
3. Arrangez-vous pour avoir un véhicule. Il peut y avoir
des véhicules de la taille appropriée au sein même des membres
de votre groupe. Sinon, vous pourrez peut-être emprunter une camionnette
ou fourgonette à une organisation religieuse amie ou à d'autres
organisations similaires. Avec beaucoup de chance, vous pourrez peut-être
trouver quelqu'un qui vous en fera don. Si rien de cela n'est possible, alors
organisez une levée de fonds, des concerts-bénéfices, etc.
4. Avec vos flyers en main, commencez à chercher
des sources d'approvisionnement en nourriture. Commencez vos démarches
dans les coopératives et magasins d'aliments naturels. Ce genre de commerces
donnent en général beaucoup d'appui et sont l'idéal pour
pratiquer votre approche. Dites-leur que vous planifiez de redistribuer la nourriture
à des maisons d'hébergement, et dans des soupes populaires. S'ils
sont intéressés, fixez une heure régulière pour
faire la collecte chaque jour ou aussi souvent que possible. Là où
cela s'y prête, laissez de la documentation qui explique ce que Food Not
Bombs fait.
5. Livrez la nourriture récoltée à des maisons
d'hébergement et à des soupes populaires. Il est important
de connaître les endroits qui donnent à manger dans votre région.
Tâchez de savoir où ils sont situés, qui ils servent et
combien de personnes ils servent. Ces informations vous permettront de planifier
votre trajet de distribution et la quantité de nourriture à donner
à chaque organisme. Il est habituellement préférable d'établir
un horaire de livraison régulier avec chaque établissement.
6. Une fois que ce réseau est établi, commencez à
garder une partie de la nourriture, sans nuire au programme régulier.
Avec cette nourriture, préparez des repas qui seront servis dans la
rue. Allez aux rassemblements politiques et aux manifestations en premier
lieu; vous pourrez y recruter de nouveaux bénévoles, amasser des
dons, et remonter le moral des participants. Donner un repas lors de rassemblements
bâtit l'esprit de communauté et aide la cause des manifestants
d'une manière très directe.
7. Lorsqu'assez de gens sont impliqués, pensez à servir
des repas une fois par semaine aux sans-abri. Installez-vous dans la rue,
et mettez-vous le plus en évidence possible. Une partie de notre mission
consiste à rendre les affamés et les sans-abri plus visibles.
Nous voulons aussi rejoindre un vaste public avec notre message "de la
bouffe, pas des bombes". Cuisiner dans la rue sera un travail dur, mais
qui aidera à renforcer l'esprit communautaire et qui pourra s'avérer
très plaisant.
En général, De la Bouffe, pas des Bombes travaille avec peu de
resources financières. En fait, nous essayons de tirer le meilleur parti
de nos ressources. Un bon moyen d'y arriver est de n'utiliser qu'un répondeur
téléphonique et une case postale en guise de "bureau".
En n'ayant pas de local, il n'est pas nécéssaire d'y affecter
un bénévole en permanence, et c'est déjà du temps
d'économisé. Cela permet aux bénévoles de passer
plus de temps dans la rue, et nos tables de distribution et de documentation
finissent par constituer le bureau où la politique du groupe s'établit,
et où les personnes intéressées à nous rejoindre
peuvent nous trouver.
Un de nos buts, lorsque nous faisons du travail de rue, est de rassembler des
gens de plusieurs milieux socio-économiques différents de manière
à ce qu'ils entrent en contact les uns avec les autres. Si votre bureau
est à l'extérieur, vous devenez tout-à-coup très
accessibles et toutes vos actions deviennent publiques. Avec le temps, les gens
qui sont sur le pavé développeront un grand respect pour votre
groupe, vous acquerrez une expérience directe de la vie dans la rue et
développerez une connaissance approfondie des opinions qui y prévalent.
Jusqu'ici, le coût de toutes ces opérations est très abordable.
Un autre but de Food Not Bombs est de stimuler la confiance et la croissance
personnelle de chaque individu. La manière dont nous nous y prenons pour
arriver à ces fins, à l'intérieur d'un groupe, consiste
à créer une atmosphère où chacun sera invité
à prendre des initiatives, à participer à la prise de décisions
et à assumer à tour de rôle les différentes fonctions
nécéssaires à la bonne marche du groupe.
Nous prenons les décisions par consensus plutôt que par le vote.
Le vote est un modèle gagnant-perdant dans lequel les gens sont souvent
plus préoccupés par le nombre de personnes requises pour en arriver
à une majorité, que par le débat lui-même. Le consensus,
pour sa part, est un processus de synthèse qui rassemble divers éléments
et les fusionne en une solution acceptable par tous. Il s'agit, fondamentalement,
d'une méthode de prise de décision qualitative plutôt que
quantitative. Chaque idée est valorisée et devient partie de la
décision.
Lorsque tous participent au débat, la confiance mutuelle se développe
et les gens se sentent concernés par le résultat. Une proposition
est plus forte lorsque plusieurs personnes y ont participé dans le but
d'en arriver à la meilleure décision possible pour le groupe.
Toutes les idées sont soupesées et évaluées; mais
seules les idées qui, de l'opinion générale, favorisent
le plus le groupe sont retenues.
Il existe plusieurs modèles de consensus pouvant être adoptés
par votre groupe. Il est très important, toutefois, que le modèle
retenu soit clair, logique, et qu'il puisse être facilement enseigné
et appris de manière à ce que tous puissent participer pleinement.
Plusieurs groupes progressistes évitent les leaders qui pourraient avoir
tendance à dominer. Or ce serait une erreur de penser qu'un groupe n'a
pas besoin de leadership. Alors pour éviter que le pouvoir ne soit concentré
dans les mains de quelques leaders haut-placés, encouragez les habiletés
de direction chez chaque membre du groupe et faites une rotation des rôles.
Cela peut être accompli par la tenue de séances de formation et
par des encouragements soutenus, surtout envers les personnes les plus timides.
Cela aidera le groupe à devenir plus démocratique, satisfera ses
membres et par conséquent, préviendra les burn-out ou encore les
désistements.
Établir le contact est très important, moins onéreux et
plus efficace que vous vous l'imaginez. L'appendice de ce livre montre un exemple
de flyer ayant été très efficace pour attirer de
nouveaux membres. Vous pouvez l'utiliser, en prenant soin d'ajouter vos coordonnées
à l'endroit approprié, ou alors vous pouvez créer le vôtre.
Ce flyer ainsi que plusieurs autres pourront alors être placés
sur les babillards des écoles, cafés, librairies, buanderies automatiques
et magasins d'aliments naturels de votre quartier. Placez ce genre de publicité
à intervalles réguliers; il est important de s'assurer un apport
constant en idées fraîches et en personnes enthousiastes!
En plus de coller des affiches et de distribuer des pamphlets, visitez toutes
les organisations vouées à la paix, l'environnement et la justice
sociale de votre ville ou quartier. Laissez-y votre publicité et ramassez
la leur, de manière à pouvoir l'intégrer à votre
table de documentation.
Visitez aussi toutes les soupes populaires, refuges et groupes de défense
des plus démunis et distribuez votre publicité. Ne vous laissez
pas décourager par un accueil tiède. Au début, ces groupes
pourront considérer Food Not Bombs comme un compétiteur pouvant
leur soutirer leurs maigres ressources (subventions, donations). Il se peut
aussi qu'ils s'opposent fermement à l'idée de faire un lien entre
la faim, le manque de logements et l'injustice économique et d'autres
questions comme le militarisme. Beaucoup d'institutions acceptent de venir en
aide aux opprimés sans remettre en cause les fondements de cette oppression.
Ils préfèrent garder la tête basse et appuyer le statu quo,
et ils craindront tous ceux qui remettent le système en question. Toutefois,
puisque la philosophie de Food Not Bombs est la création de l'abondance
en évitant le gaspillage, votre nourriture gratuite sera un moyen de
les convaincre et de gagner leur appui petit à petit. Cette manière
d'établir des contacts constituera la base d'un appui plus large, à
l'échelle de toute une communauté, qui vous sera extrêmement
bénéfique dans le futur.
À mesure que vos efforts se concrétisent, vous pouvez organiser
ou appuyer des événements spéciaux qui amèneront
encore plus de gens à joindre vos rangs, pour le travail et pour le fun.
Des exemples: des spectacles de musique, des récitals de poésie,
des festivals du film ou du vidéo, ou tout cela à la fois! Avant
ces événements, contactez tous les médias répertoriés
dans les pages jaunes de votre région, et invitez-les à venir.
Même si leurs reportages s'avèrent peu sympathiques à votre
cause, il est quand même bon de voir le nom "De la Bouffe, pas des
Bombes" mentionné dans la presse. Selon notre expérience,
la plupart des gens comprennent bien le concept véhiculé par ces
six petits mots et ne se laissent pas tromper par des reportages négatifs.
Lors de ces événements, une chose qui ne manquera pas d'attirer
l'attention est le déploiement d'une énorme bannière proclamant
"De la Bouffe, pas des Bombes". Cette bannière est d'une grande
utilité lorsque les médias prennent des photos puisque, à
défaut d'une couverture plus approfondie, les mots "De la Bouffe,
pas des Bombes" seront diffusés. Vous pouvez aussi utiliser le logo
montrant un poing mauve brandissant une carotte aussi souvent que vous le voulez.
Notre quartier général aux États-Unis peut vous faire parvenir
des épinglettes, autocollants et bannières pour vous aider à
recueillir des fonds et vous faire connaître. (Voir en annexe.)
La récupération de nourriture constitue l'épine dorsale
de l'oeuvre de Food Not Bombs. Découvrir des sources d'approvisionnement
peut sembler, à première vue, relever un défi de taille;
mais en fait il ne vous faut qu'un peu de confiance et de patience. Chaque entreprise
de l'industrie agroalimentaire est une source potentielle de nourriture à
récupérer; du gros au détail, de la production à
la distribution. Il vous faudra parfois une bonne dose d'imagination et d'insistance
pour convaincre un gérant têtu de vous laisser prendre possession
de la nourriture "en trop"; mais dans la plupart des cas, les entreprises
se montrent très coopératives. Il vous faudra décider si
vous voulez laisser savoir aux propriétaires ou gérants de ces
entreprises qu'une partie de cette nourriture servira à des fins politiques
sous la bannière "De la Bouffe, pas des Bombes". Dans certains
commerces, cela ne causera aucun problème; mais en d'autres endroits
il vaut mieux passer cela sous silence jusqu'à ce que l'on vous connaisse
mieux.
Commencez par conclure des ententes auprès des grossistes et détaillants
d'aliments naturels, ainsi que des boulangeries. Demandez aux employés
s'il leur arrive de jeter régulièrement de la nourriture, et s'il
leur serait possible de vous la donner. N'oubliez pas de leur mentionner, s'il
y a lieu, que cela pourrait diminuer leurs frais d'enlèvement des ordures.
Ils deviendront plus conscients du problème économique causé
par des tonnes et des tonnes de nourriture jetées dans les décharges;
puis ils feront ainsi le lien entre leur compte de taxe qui monte sans arrêt
et le fait que de plus en plus de décharges sont remplies à ras
bords. Un corollaire de notre programme est donc la réduction des déchets
dans notre société.
Pendant que vous faites ces démarches auprès des intervenants
de la chaîne agro-alimentaire, commencez à vous informer au sujet
de la disponibilité des conducteurs et des véhicules. Il vous
faudra au moins un volontaire pour conduire chaque jour. Établissez un
horaire qui convienne à la fois aux conducteurs et aux entreprises qui
vous appuient. Ces dernières hésiteront à vous mettre de
côté leurs surplus, s'ils craignent que vous ne veniez pas les
chercher régulièrement. Être à l'heure est une tradition
chez Food Not Bombs; alors ne perdez pas trop de temps. Curieusement, vous verrez
qu'il est plus fréquent d'avoir trop de bouffe que de ne pas en avoir
assez. Faites de votre mieux, et même si vous n'arrivez pas à tout
sauver dites-vous que c'est déjà ça d'accompli.
Gardez toujours une petite minute pour développer de bonnes relations
avec les travailleurs des entreprises que vous visitez. Ces gens décident
chaque jour quelle quantité de bouffe doit être jetée; s'ils
vous trouvent sympathiques ils pourront faire de petits extras
La variété de nourriture qui peut être récupérée
est quasiment infinie. Soyez créatifs. La plupart des aliments périssables
sont volontairement stockés en excès, alors il y aura des surplus
réguliers. Allez à la recherche d'endroits où vous pourrez
trouver des bagels, du pain et des pâtisseries, des fruits et légumes
bio, du tofu et certains aliments emballés. Parfois il vous faudra acheter
certaines denrées non-périssables, comme le riz, les haricots,
les pâtes, les épices et condiments. Certains magasins d'aliments
naturels accepteront de vous les refiler gratuitement ou à rabais.
Au fur et à mesure que votre réseau grandit, vous pourrez remonter
la filière jusqu'aux grossistes et cultivateurs. Le volume d'aliments
pouvant être récupéré est immense; un jour ou l'autre
vous devrez être sélectifs. Choisissez la meilleure qualité,
c'est-à-dire les aliments les moins défraîchis. En plusieurs
endroits il est inutile de récupérer les fruits et légumes
"industriels" puisque les surplus de produits bio suffisent! En fait,
l'un de nos messages politiques est qu'il y a plus de nourriture jetée
chaque jour que d'affamés pour la manger.
En premier lieu, livrez la bouffe que vous ramassez en gros aux soupes populaires
de votre localité. Grâce aux recherches que vous aurez effectuées
auparavant, il ne sera pas difficile de trouver des organismes intéressés.
Considérez aussi les banques alimentaires, les popotes pour grévistes,
les refuges pour femmes battues et garderies aux prises avec des coupures budgétaires,
etc. Contactez les organisations déjà à l'oeuvre dans la
communauté, et demandez si des bénévoles accepteraient
de vous épauler dans une distribution de nourriture hebdomadaire. Vu
que ces organismes ont déjà une base locale bien établie,
leurs membres connaissent bien les personnes en difficulté, sont au fait
de leurs besoins les plus pressants et vous conseilleront sur la meilleure manière
de procéder à la distribution. De plus, faites en sorte que celle-ci
soit une porte d'accès pour les autres programmes de réinsertion
sociale. Utilisez la nourriture comme un outil d'intégration et d'organisation.
Parfois, De la Bouffe pas des Bombes procède aux distributions dans des
HLM ou sur le coin des rues. Mais il est aussi possible de placer la bouffe
en gros à côté des tables de distribution de mets préparés.
Un de nos buts est d'éveiller les gens à l'abondance de nourriture,
ainsi qu'au gaspillage engendré par l'économie de marché
qui donne de la valeur à ce qui est "rare" et fait passer les
profits avant les humains.
Une fois que votre réseau de cueillette et de distribution est bien structuré,
commencez à utiliser une partie de la bouffe récupérée
pour préparer des repas chauds. Il vous faudra un local pour cuisiner,
et plusieurs pièces d'équipement nécéssaires pour
nourrir un grand nombre de personnes. Cet équipement est plus suceptible
de se trouver chez les fournisseurs de restaurants que dans les cuisines de
particuliers. Une liste complète de ce qu'il vous faut se trouve dans
la section Recettes.
L'espace adéquat pour cuisiner peut être obtenu de diverses manières.
Vous pouvez utiliser les installation d'un centre communautaire, d'une communauté
religieuse ou d'un édifice public quelconque. Une grande cuisine dans
un loft ou un vieil appartement, ou plusieurs cuisines modernes de taille standard
feront l'affaire; mais parfois la meilleure solution consistera à préparer
les mets directement au coin d'une rue, dans la "cuisine de terrain".
Chaque situation présente certains avantages et inconvénients,
et les besoins que vous aurez en cuisine seront déterminés en
grande partie par l'ampleur de votre plan de distribution. Parfois il vous faudra
une combinaison de tous ces espaces, pour chacun des aspects de votre programme.
Par exemple, vous préparerez votre repas hebdomadaire pour les sans-abri
dans les cuisines d'une communauté religieuse; puis vous utiliserez la
cuisine extérieure lors d'un rassemblement politique dans un parc; puis
enfin la cuisine privée d'un bénévole pour préparer
un dîner de moindre envergure. La clé consiste à choisir
la cuisine de taille appropriée pour chaque type d'événement.
Puisque la majorité des groupes Food Not Bombs doivent à un moment
ou l'autre cuisiner à l'extérieur, ce sera une bonne idée
d'acheter un brûleur portatif au propane. Ce carburant est le plus pratique
lorsqu'il s'agit de travailler au grand air. Les réservoirs peuvent être
remplis plusieurs fois, et même de petits réservoirs possèdent
une autonomie surprenante. Ça vaut vraiment la peine d'acheter un poêle
robuste, car même s'il coûte plus cher, sa durée de vie sera
supérieure et il sera plus sécuritaire, notamment avec de grands
chaudrons de 40 litres. Cet équipement et tout ce qu'il vous faudra en
général peuvent être obtenus en quincaillerie, chez les
fournisseurs de restaurants, dans les marchés aux puces et les ventes
aux enchères, ou tout simplement par le biais de connaissances.
Les pièces les plus importantes sont habituellement les chaudrons. Vous
devrez en posséder de différentes tailles, mais les plus utiles
seront les plus gros: 40 litres ou plus. De cent à deux cents personnes
peuvent être nourries à partir d'un chaudron de cette taille, tout
dépendant de ce qu'on y prépare; malheureusement il est difficile
de s'en procurer. La plupart des gens qui possèdent des chaudrons de
ce type n'accepteront pas de vous les prêter. Alors il faudra les acheter.
Les moins dispendieux sont en aluminium, mais nous les déconseillons
fortement à cause de leur toxicité. Si jamais vous utilisez des
chaudrons d'aluminium, n'y préparez jamais de recettes à base
de miso ou de tomates. L'acidité des ingrédients oxydera le métal
et celui-ci va contaminer la nourriture. Essayez d'obtenir des chaudrons en
acier inoxydable, et lorsque vous en aurez une batterie complète, prenez-en
bien soin! Il n'est pas rare de perdre des ustensiles, des couvercles, des chaudrons
entre le véhicule, la cuisine et la table de distribution. Essayez aussi
d'éviter que les chaudrons se trouvent dans un périmètre
ou il y a risque d'arrestation. Pour les actions les plus risquées, transférez
la bouffe dans des chaudrons plus petits ou des chaudières de plastique.
Une autre pièce d'équipement très utile est le seau de
plastique de 5 gallons (20 litres). Ceux-ci peuvent être obtenus gratuitement
auprès des magasins d'aliments naturels et les coopératives. Demandez
aux responsables de conserver pour vous les seaux de tofu, de beurre d'arachides
ainsi que tous les grands récipients de plastique dans lesquels la bouffe
est livrée et qui n'ont pas à être rendus. N'oubliez pas
de conserver les couvercles! Ces seaux seront utiles pour l'entreposage, le
transport et la distribution, etc. Puisqu'ils sont faciles à obtenir,
vous pourrez les utiliser dans des situations où il n'est pas certain
que vous puissiez les récupérer.
La logistique est la principale chose à considérer lorsqu'on désire
cuisiner pour un grand nombre de personnes. Obtenir à la fois une quantité
suffisante de nourriture, l'équipement nécéssaire, une
cuisine adéquate et une équipe de volontaires peut parfois ressembler
à un miracle, mais dites-vous que c'est possible. Chaque collectif va
petit à petit développer sa propre méthode de préparation;
ce qui suit est donc une base générale.
L'équipe de volontaires se donne habituellement rendez-vous à
la cuisine quelques heures avant l'heure prévue pour le service. Ils
s'affairent à décharger la nourriture et l'équipement du
véhicule, puis ils lavent leurs mains avec du savon et regardent quelle
quantité de chaque ingrédient est diponible, en relation bien
sûr avec le nombre de personnes qui doivent être nourries. Enfin,
ils font un tri, choisissent les ingrédients nécéssaires
et les lavent. (La tâche qui prend le plus de temps est sans contredit
le lavage et le découpage des légumes.)
Chaque équipe de volontaires travaille avec le genre d'organisation qui
lui convient le mieux. Une personne peut par exemple devenir le "chef";
mais en d'autres occasions, chaque personne peut choisir son propre plat et
le préparer de A à Z. Le groupe peut aussi choisir de fonctionner
de manière informelle, mais dans tous les cas c'est la coopération
qui compte. Les recettes peuvent provenir soit de ce livre, soit de l'expérience
de chacun. Une fois que la cuisson est terminée, les bénévoles
nettoient la cuisine, mettent la bouffe dans les contenants prévus pour
le transport et le service, et chargent le véhicule.
Parfois l'équipe de préparation des repas et l'équipe de
distribution sont les mêmes personnes. Mais en général il
s'agit de deux équipes différentes. La deuxième équipe
emmène donc le matériel sur le site, puis organise le service
ainsi que le montage de la table de documentation. Il est important, à
ce stade, d'avoir à proximité un seau d'eau savonneuse et un autre
rempli d'eau claire avec un soupçon de javel. Les responsables du service
pourront ainsi se laver les mains avant de commencer leur travail.
Essayez de placer la bouffe loin de la documentation, pour éviter les
dégâts irréparables; si la file d'attente est très
longue, désignez quelqu'un pour aller distribuer du pain, des muffins
ou encore du liquide s'il fait très chaud. Cela rendra l'attente beaucoup
plus supportable et dissipera la crainte qu'ont certains de manquer de nourriture.
Un autre moyen de réduire les tensions est de recruter des amuseurs publics
ou des musiciens; votre soupe populaire prendra alors des allures de fête!
Finalement, l'équipe responsable du service doit se charger du nettoyage
du site et de l'équipement, ainsi que de ramener le tout vers le lieu
d'entreposage.
La collecte de fonds ou de dons à même la table de distribution
est une chose qui est sujette à délibérations. Dans certains
cas il peut être complètement déplacé de demander
des dons; mais en d'autres moments les gens insistent pour nous appuyer. Une
chose doit être claire cependant: tous doivent manger à leur faim,
peu importe leur capacité de payer. Manger est un droit, pas un privilège.
Les cuisines mobiles et les tables d'extérieur
Lors de chaque événement tenu en plein-air, la première
décision que le groupe doit prendre est la localisation des tables. Plusieurs
détails doivent être considérés: il faut tout d'abord
s'y prendre à l'avance; et puis lors de rassemblements, se trouver près
du point central de l'événement s'est généralement
avéré une stratégie gagnante. Être dans le feu de
l'action encourage les gens à participer plus activement et à
demeurer plus longtemps. Parfois le meilleur endroit est aussi le plus passant.
Ce peut être l'endroit le plus visible ou tout simplement le plus accessible.
Il faut tenir compte du peu de possibilités de transport disponibles
aux sans-abri, et il faut finalement éviter de s'installer trop près
d'un restaurant ou d'un commerce servant le même type de nourriture que
vous. Ses propriétaires pourraient craindre votre compétition,
se plaindre et réclamer que vous déménagiez ailleurs.
Les illustrations suivantes montrent deux possibilités d'installations
extérieures. L'une d'entre elles est plus simple et requiert un minimum
d'équipement. L'autre est plus complexe et serait en mesure de satisfaire
aux normes d'hygiène en vigueur dans la plupart des municipalités.
Nous de Food Not Bombs croyons que notre travail ne devrait se soumettre à
aucun permis. Toutefois, la municipalité ou la police utilisent souvent
l'hygiène et le permis comme moyen de pression pour faire cesser nos
activités. C'est pourquoi il est intelligent d'avoir une cuisine mobile
propre et bien équipée. Il pourrait y avoir quand même des
tentatives de vous nuire; mais alors vous pourrez répliquer que leurs
arguments n'ont rien à voir avec l'hygiène et qu'ils sont plutôt
politiques. En guise de conclusion, nous vous rappelons notre position selon
laquelle nous avons le droit de donner de la nourriture en tout temps, en tout
lieu sans avoir à demander la permission de l'État.
Table
de distribution de base
A) Soupe chaude (c'est mouillé! Tenir loin de la documentation)
B) Salade ou autres denrées sèches
C) Pain et/ou bagels (essayez de mettre la soupe du même côté
que le pain)
D) Sel, condiments, épices
E) Fourchettes ou cuillères
F) Flyers, livres et autocollants
G) Boîte pour recueillir les dons d'argent comptant
H) Épinglettes, pin's
Suggérez que les gens passent devant la documentation en premier lieu, puis à la soupe en deuxième; cela évitera que des aliments ne soient renversés sur votre précieuse paperasse!
De la Bouffe, pas des Bombes: cuisine mobile
A) Soupe
B) Salade
C) Cuillères et/ou fourchettes
D) Pain ou bagels
E) Cuisson de la soupe sur un poêle au propane
F) Boîte de fruits
G) Planche à couper
H) Lave-mains avec savon
I) Rince-mains
J) Bombonne de propane (5 gallons)
K) Table de documentation
ch1.Introduction |
ch2.Au-delà de la collecte et de la distribution |
ch3.Recettes |
ch4.La politique |
ch5.Histoires vécues |
ch6.Cuisiner pour la Paix |
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